La ferme Juar sous le regard féminin des cousines Boivin
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À Coaticook, dans la magnifique région de l’Estrie, se trouve la ferme Juar, une entreprise familiale où règnent respect, équilibre et ouverture d’esprit. Cette année, deux jeunes femmes s’apprêtent à en reprendre les rênes avec beaucoup d’amour et de bienveillance. Rencontre avec Sabrina (que l’on a récemment pu découvrir dans L’amour est dans le pré) et Kaïla Boivin, amies, cousines et productrices de lait!
Les cousines débutent l’entretien en partageant avec nous un souvenir qui leur est cher. C’est une belle journée d’été et les vacances scolaires battent leur plein. La petite Sabrina est contente, car ce matin, Kaïla est arrivée pour passer du temps avec elle sur la ferme familiale, fondée par leurs ancêtres en 1885. Pendant que leurs parents discutent à la cuisine, les deux fillettes jouent au ballon et courent dans les champs. Elles ont même inventé un jeu qui les fait rire : faire semblant qu’elles sont des chats de ferme, qui vivent et qui jouent dans les balles de foin.
À la ferme Juar, Sabrina et Kaïla goûtent au bonheur en déployant leur créativité en pleine nature. Mais si on leur avait dit, à ce moment-là, qu’elles en deviendraient un jour les propriétaires, elles n’y auraient sans doute pas cru.
La petite histoire de la ferme Juar
Le nom Juar est une contraction des prénoms des grands-parents de Kaïla et Sabrina : Julienne et Armand. Le duo, fier représentant de la quatrième génération de Boivin à exploiter l’entreprise familiale, en a assuré le passage de fermette à ferme laitière en construisant une grange prête à accueillir une cinquantaine de vaches. Le paternel Boivin a ensuite passé le flambeau à son fils Serge, le père de Sabrina, qui a poursuivi l’expansion de la ferme. Réjean (le frère de Serge et le père de Kaïla) s’est par la suite joint à l’équipe.
Armand, maintenant âgé de 83 ans, se plait encore à venir faire des petites « jobines » de temps en temps, entouré de ses deux garçons et de leurs familles. La ferme, qu’il a léguée il y a plus de 30 ans, compte maintenant 300 vaches, dont 155 en lactation.
Le repreneuriat entre cousines
Sabrina, qui a les deux mains dedans depuis toujours, était en quelque sorte prédestinée à poursuivre le chemin emprunté par son père. Kaïla, elle, n’avait pas considéré cette option, jusqu’à ce que son oncle Serge lui propose de venir travailler sur la ferme. Au gré des apprentissages et de l’amour grandissant du métier, l’idée d’un jour s’associer à sa cousine a germé dans son esprit.
Les deux jeunes femmes âgées de 24 et 25 ans ont récemment terminé des études en gestion et en technologies d’entreprise agricole afin de bien se préparer à ce qui s’en vient. Elles seront bientôt associées à parts égales dans l’entreprise familiale, aux côtés des parents de Sabrina.
L’équilibre, une valeur familiale primordiale
Si l’on peut dénoter une valeur fondamentale au sein du clan Boivin, c’est bien la notion d’équilibre. À la ferme, on a congé deux fins de semaine sur trois et on se réserve du temps pour les soupers en famille, les voyages, les arts et les sports de compétition.
Mes parents ont travaillé fort pour se permettre d’avoir ce mode de vie aujourd’hui. Mais ce qui leur permet de se libérer du temps pour les entrainements sportifs ou les loisirs, c’est qu’ils ont appris à déléguer », explique Sabrina.
Elle ajoute : « Avoir mon oncle Serge comme personne de confiance, c’est une vraie chance. Puis, avec les travailleurs étrangers – qui ont eux aussi le sens des responsabilités – c’est facile de se créer des horaires équilibrés. »
La ferme compte trois travailleurs guatémaltèques qui travaillent six mois par année avec la famille Boivin depuis maintenant cinq ans. Edgar, Abner et Heber alternent les quarts de travail de semaine et de fin de semaine. Leur bien-être est aussi important que celui des autres membres de la grande famille Juar. Ils sont appréciés, respectés, et on les invite sans hésiter à toutes sortes d’activités et de célébrations familiales.
Et qu’est-ce que font Sabrina et Kaïla lorsqu’elles ne travaillent pas? La première se passionne pour le karaté et le dessin. Mais ce qu’elle aime par-dessus tout, ce sont les soupers hebdomadaires entourés des siens. Elle a même pris le temps de trouver l’amour devant tout le Québec! Son amoureuse Mélanie – qu’on a aussi eu la chance de découvrir dans L’amour est dans le pré – fait maintenant partie intégrante de la famille. Kaïla, elle, profite de ses temps libres pour pratiquer la danse hip-hop et country. Elle fait aussi de la course et s’intéresse au développement personnel. Selon elle, c’est notre devoir d’apprendre à se connaître et à s’améliorer en tant que personne.
Un milieu de plus en plus féminin
Quand on demande aux filles si elles ressentent une certaine discrimination envers les femmes dans le milieu agricole, elles tergiversent. « À l’extérieur de la ferme, un peu. On sent parfois que les hommes essaient de nous mettre en doute. Mais en général, on se sent à notre place et appréciées. »
Il faut dire que la famille Boivin détient une belle ouverture et que jamais Sabrina et Kaïla ne s’y sont senties diminuées à cause de leur genre. Au contraire, à la ferme Juar, les femmes sont célébrées.
Chez nous, les gars conduisent les tracteurs pendant que les filles ramassent de la roche! », lance Kaïla à la blague.
Sa cousine complète : « Avec les nouvelles technologies, la force physique – qui était davantage associée aux hommes – n’est plus vraiment un enjeu. Et si on a besoin d’aide, on le demande! »
L’ouverture d’esprit des Boivin ne s’arrête pas à la promotion du genre féminin. Lors de la douzième saison de L’amour est dans le pré, nous avons pu voir une Sabrina confiante, rayonnante et ouverte à l’amour sans frontière ni genre. « Je n’ai jamais eu à sortir du placard. Chez moi, c’est très accepté. Je tombe en amour avec des humains, pas avec des genres. Je suis fière d’être moi-même sans devoir me justifier! »
Le futur de la ferme Juar
Les cousines Boivin prévoient une période de trois à cinq ans pour planifier l’agrandissement et la modernisation des installations. « La ferme au maximum de sa capacité en ce moment. On aimerait construire un nouveau complexe laitier et l’adapter aux normes de bien-être animal. On vise la stabulation libre et on veut aussi prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. »
Les deux femmes semblent être en pleine possession de leurs moyens, mais elles s’expriment tout de même au sujet de leur plus grand défi : continuer de s’adapter aux changements et aux nouvelles normes agricoles et environnementales.
Comme disait un de nos profs, Yvon, l’agriculture est un éternel compromis! On va continuer de faire tout ce qu’on peut pour être bien organisées. Puis, comme on veut toutes les deux des enfants, il faudra trouver notre équilibre là-dedans. »
Chose certaine, les deux filles ont eu de bons exemples en matière de compromis et d’équilibre. Elles savent déjà que c’est en apprenant à faire confiance et à déléguer qu’elles pourront réaliser leurs rêves : élever un grand troupeau de vaches heureuses et surtout, plein d’enfants qui joueront à être de petits chats dans des bottes de foin.