Un verre de lait avec Alexandra Rochette
Contenu de l'article
Alexandra Rochette est productrice de lait bio et copropriétaire de la ferme Bio-De-Ly à Neuville. Elle y produit du lait biologique et s’occupe de 75 bêtes, dont 45 vaches en lactation. Entre deux traites, elle a pris le temps de répondre à toutes nos questions sur son quotidien et sa vision de l’avenir. On lui a même demandé si elle boit un verre de lait avec son assiette de spaghat’. (Divulgâcheur : OUI!)
La ferme Bio-De-Ly a été fondée par les parents d’Alexandra, Lyette et Denis. C’est d’ailleurs au duo qu’elle doit son nom Bio-De-Ly (Biologique-Denis-Lyette). Alexandra y passe la plupart de son temps depuis son tout jeune âge.
À quoi ressemble ton quotidien?
Depuis que j’ai rejoint la ferme familiale à ma sortie du cégep, en 2015, je touche à tout : la traite des vaches, les soins préventifs aux animaux, la surveillance de leur alimentation, la récolte et le sarclage des champs (le soya, le foin et les céréales qu’on fait pousser servent à nourrir les bêtes). Je m’occupe aussi de toutes les rencontres et les suivis pour la certification biologique, j’aide à la réparation de la machinerie et plus encore. J’ai toute une liste de tâches! (rires)
À quoi ressemblaient tes journées quand tu étais enfant?
Mes deux sœurs et moi passions nos étés à travailler à la ferme maraîchère de nos parents. On faisait le sarclage, on tenait le kiosque pour la vente des produits. Des fois, nos amies et amis venaient même nous aider. Ça nous faisait toujours de quoi à faire. Ça tombe bien, j’ai jamais aimé rien faire! J’aime être occupée!
Est-ce que tu as toujours su que tu reprendrais l’entreprise familiale?
Dès qu’elles ont eu 14 ans, mes sœurs ont dit à mes parents qu’elles ne voudraient pas travailler à la ferme. Moi, j’ai toujours aimé ça. Et quand j’y pense, je ne me suis jamais posé la question à savoir si c’est ce que j’allais faire plus tard, j’ai simplement orienté mes choix de carrière dans le but d’un jour reprendre la ferme. Je voulais vraiment travailler avec les animaux, j’ai aussi songé à aller en soins vétérinaires.
Quand j’ai obtenu mon diplôme en Gestion et technologies d’entreprise agricole à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) à La Pocatière en 2015, je suis revenue à la ferme. Trois ans plus tard, mon père m’a vendu 50 % des parts. Ça s’est fait naturellement. On vise maintenant un transfert à 100 % dans les prochaines années, bien que mon père restera toujours là pour m’aider.
Et aujourd’hui, quelles sont tes priorités pour la ferme?
J’ai toujours envie d’améliorer la ferme, de rendre la production la plus optimale et la plus durable possible tout en poursuivant les bonnes pratiques biologiques.
Faire passer mon étable en stabulation libre pour permettre aux vaches de se promener où elles veulent de façon autonome est possiblement le plus grand projet que j’aurai à faire dans les prochaines années. D’ailleurs, il y aura une nouvelle norme en ce sens qui entrera en vigueur en 2030 pour toutes les fermes laitières biologiques. Alors assurément, ce sera fait d’ici là!
En ce moment, nous sommes en stabulation entravée, mais les vaches sortent faire de l’exercice tous les jours en été et régulièrement en hiver, lorsque les conditions météo le permettent.
Ce sera un gros projet qui demandera de la réorganisation à la ferme, peut-être des rénovations ou une expansion. Tant qu’à être là, j’aimerais aussi ajouter un robot de traite pour que les vaches se fassent traire quand elles en ont envie. On verra!
Parlant de normes biologiques : la ferme Bio-De-Ly est passée en production bio en 2007. Qu’est-ce que ça implique, concrètement, d’être bio?
C’est un ensemble d’actions (qu’on doit suivre à la lettre avec un cahier de charge spécifique!) qui favorisent le confort des bêtes et le respect de l’environnement. Ça veut dire avoir des solutions écorespectueuses aux enjeux courants sur une ferme. Souvent, ça passe par de la prévention et par l’utilisation de médecines douces. On surveille l’alimentation des bêtes, elles font beaucoup d’exercice et leur confort est prioritaire. On veille aussi à la santé des sols et au maintien de la biodiversité.
Il faut savoir que mon père a toujours été en bio pour sa ferme maraîchère. Ça fait partie de nos valeurs depuis longtemps. C’était tout naturel que la ferme laitière le soit aussi.
Avec qui travailles-tu au quotidien?
Mon équipe, c’est mon père, un employé à temps plein (qui est un ami de longue date de la famille), mon oncle et mon chum. Ce sont tous des hommes, certes, mais quand j’y pense, toutes les personnes qui m’encadrent – mes conseillères en agriculture biologique, les agronomes, ma comptable, ma conseillère financière, celle en technico-économie – sont toutes des femmes. Et j’ajouterais : des femmes de tête, intelligentes, compétentes et travaillantes. Des modèles pour moi!
Qui est la personne qui t’inspire le plus?
Le plus grand modèle féminin que j’ai eu dans ma vie reste ma grand-mère paternelle. Elle ne travaillait peut-être pas à la ferme, mais elle faisait tout le reste. Mon grand-père se levait à 5 h pour commencer sa journée à la ferme. Ma grand-mère, elle, était debout depuis 4 h 30 pour lui faire à manger avant qu’il aille au champ. Le soir, elle se couchait après lui pour mettre de l’ordre dans la maison. Elle soignait les petits bobos de tout le monde. Elle était pleine de solutions et dotée d’un grand positivisme. Jamais on ne l’entendait se plaindre. Il n’y avait aucune limite à son amour.
Tu t’impliques activement dans le Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec. D’où te vient ton intérêt pour l’implication sociale?
J’ai commencé à m’impliquer quand j’étais au cégep. Pour être honnête, on avait l’obligation de le faire! On devait donner un peu de temps à l’Expo-Poc. Je faisais des visites guidées pour les enfants et j’ai vraiment aimé ça, tellement que j’ai continué de le faire après. C’est le fun, c’est enrichissant pour tout le monde. Je me suis rendu compte que donner, même un tout petit peu de temps, peut avoir un grand impact.
Le rôle du Syndicat des producteurs de lait bio du Québec, c’est d’être la voix des producteurs. C’est de s’assurer d’une bonne mise en marché du lait bio, de notre produit. On travaille aussi sur les révisions des normes de l’industrie et on informe les producteurs des nouveautés et des changements sur le marché, entre autres tâches.
Quels conseils aurais-tu à donner à de jeunes filles qui rêvent de se lancer en agriculture/production laitière?
Je me souviens que, dans ma cohorte, il y avait beaucoup de filles. Ce qui veut dire que les modèles de femmes repreneuses dans l’industrie laitière sont encore jeunes! J’espère que d’ici quelques années, on saura être de bons exemples pour les plus jeunes qui considèreront un métier dans l’agriculture et l’industrie laitière. Si j’avais un conseil à leur donner, c’est de faire confiance à leur instinct.
Les filles, ne vous laissez pas invalider! Écoutez-vous, affirmez-vous. Vous allez vous épanouir! »
Questions en rafale :
La place du lait au Québec, selon toi?
On aime encore beaucoup ça. Le lait ne pourra jamais être remplacé, c’est un aliment tellement nutritif.
Ton produit laitier préféré?
Oh, je les aime tous! Mais je ne pourrais jamais me passer de mon verre de lait. J’en prends après tous mes repas. Et oui, même après mon spaghetti!
Ton voyage le plus formateur?
La Bretagne, où j’ai travaillé dans une fromagerie. J’ai adoré ça, je rêverais d’avoir ma propre fromagerie!
Ton plus beau souvenir à la ferme?
J’en ai tellement et en même temps, je n’en ai qu’un : les étés passés en famille.